Accueil / Sinnamary > Récit de la mer
Les récits de la mer
Et si l’histoire de Sinnamary vue de la mer et du fleuve m’était contée
L’Histoire vue de la mer
Plongeons dans le passé de cette commune au bord du fleuve. Imaginons l’arrivée des premiers colons animés par une soif d’aventure et persuadés de pouvoir, dans cette lointaine terre d’Amérique, concrétiser leurs rêves de réussite. Ici, justement, ce sont les populations amérindiennes qui les accueilleront. Curieux, sans doute, de découvrir ces nouveaux arrivants si différents dans leurs coutumes et leurs modes de vie, de ce que eux connaissent, si proches de cette nature luxuriante qu’ils connaissent par cœur. Au bord du long fleuve Sinnamary, ils arrivent, en 1624, de Saint-Christophe, aux Antilles, s’installent, s’implantent, vivent dans une relative harmonie avec les Amérindiens… Et tentent de se construire une nouvelle vie, porteuse d’espérance.
Ils sont accueillis par des Amérindiens Kali’na, peuple autochtone venu de la Caraïbe et présent sur le littoral de Guyane depuis le VIIIe siècle. Les travaux d’implantation de la zone de lancement de Soyouz, sur la commune de Sinnamary, a d’ailleurs mis au jour des centaines de sites amérindiens datant de la période précolombienne. C’est dire l’importance du lieu. Installés depuis plusieurs siècles, les Ka’linas ont occupé les immenses savanes en créant des champs surélevés qui leur ont permis de cultiver des terres jusque là inexploitables car inondables. Une technique utilisée sur tout le plateau des Guyane de 600 à 1400 après J.-C.
Cette vaste zone des terres basses devient vite un lieu d’implantation et constitue l’un des premiers lieux de tentative de colonisation de la Guyane. Parmi ces premiers colons, l’épouse de Constant d’Aubigné, mère de la future Madame de Maintenon qui marquera l’histoire de France en devenant l’épouse morganatique de Louis XIV et donnera son nom au premier pont qui enjambe le fleuve. Construit en 1956 et inauguré en 1958, cet ouvrage constitue un trait d’union terrestre permettant de relier Sinnamary à Saint-Laurent-du-Maroni. Bien avant cela, le trajet pour atteindre la commune voisine d’Iracoubo, se faisait en canot ou en pirogue et, en 1935, un système de barge qui ne fit pas long feu pour cause d’échouage, avait même été testé.
Refuge salvateur
Sinnamary, pour cette population si pieuse, signifie Nihil Sine Maria, soit « rien sans Marie ». Un nom bien porté sans doute pour les dizaines de colons qui s’y installent et qui deviendra un refuge salvateur. Plus d’un siècle après le première installation de colons, en 1763, Sinnamary deviendra en effet terre d’accueil pour des colons venus du Canada, d’Acadie, d’Alsace et de Lorraine, ou encore d’Autriche et de Prusse, de Suisse et de Hollande, survivants de la désastreuse expédition de Kourou qui a vu des milliers de personnes mourir de maladies et d’épidémies. On estime à 9.000 morts le nombre de victimes, sur les 12.000 colons ayant débarqué à Kourou, et qui n’ont dû leur salut qu’à une fuite vers les îles, à l’époque du Diable, et vers Sinnamary. Dans un méandre du fleuve, à environ 4 km de l’embouchure, ils installent un premier camp qui deviendra l’implantation définitive du village de Sinnamary.
Nous sommes en 1763, l’esclavage a permis aux colons de profiter d’une main d’oeuvre servile. Vivent ici les Amérindiens Kali’nas, peuple premier, les colons blancs et les esclaves noirs. Ils se consacrent à l’élevage et c’est encore cette activité qui continue à faire la réputation de la commune. Un bœuf rouge vif marque aujourd’hui l’entrée du village et l’élevage bovin est toujours une activité phare de Sinnamary. Son blason porte d’ailleurs en son centre un bœuf paissant sur un monticule des savanes sèches avec la devise suivante : “Dieu m’a donné bœuf, fais lui cornes”.
Éloignés de la ville de Cayenne, les colons poursuivent leur implantation et, en 1772, un recensement fait état de soixante-sept habitations sur le territoire de la commune. La moitié appartient à des Acadiens, survivants de l’expédition de Kourou, dont Joseph Canceler qui a donné son nom à un site fréquenté aujourd’hui. Au bord d’une crique portant ce nom, on vient ici profiter de la fraîcheur des lieux. C’est d’ici que l’on rejoint par un petit sentier la roche Milô et ses polissoirs.
La Révolution Française marque une étape importante dans l’histoire de la commune. Pour la première fois est évoqué le terme de bagne. Le 26 novembre 1797 une première cargaison de quelques réfractaires débarque à Sinnamary, après une escale à Cayenne. Quelques semaines avant, le coup d’État du 18 fructidor an V (le 4 septembre 1797), aura eu pour conséquence l’exil forcé des “ennemis” de la Révolution. Nobles ou simples citoyens, militaires, intellectuels, gens d’église… Qu’ont-ils imaginé trouver, traversant l’Atlantique, vers cette terre inconnue ? Parmi ces réprouvés, le marquis François Barbé-Marbois parlera de Sinnamary en ces mots : “un des lieux les plus malsains de la colonie”. Ils seront au total environ 330 à être déportés. Certains hommes du premier convoi parvinrent à s’évader vers la Guyane anglaise (aujourd’hui Guyana) ; les autres furent rejoints par d’autres déportés au cours de 1798, année durant laquelle deux autres convois sont organisés vers cette terre d’Amérique, dont plus de 120 prêtres. On estime que la moitié de ces déportés politiques sont morts quelques mois seulement après leur arrivée en Guyane.
Première ruée vers l’or
C’est une autre révolution qui va secouer la petite commune au bord de ce grand fleuve, à partir de 1848, année de la deuxième abolition de l’esclavage. Une fièvre qui va s’emparer des habitants et qui va traverser les frontières de la Guyane, faisant débarquer des centaines d’hommes et de femmes, venant notamment des Antilles, attirés par la soif de l’or. Et si l’Eldorado tant recherché par les premiers Conquistadors était ici en Guyane ? C’est un coup d’accélérateur pour la commune de Sinnamary dont le fleuve sera le bassin le plus riche en sites aurifères. On y découvre des gisements alluvionnaires et quelquefois filoniens. Surgissent alors des placers aux noms évocateurs : Adieu-Vat, Dieu-Merci, Espoir… Saint-Elie, petite commune au sud de Sinnamary, est créée et sera reliée par l’un des rares chemins de fer de Guyane, voie dont on peut voir encore les traces aujourd’hui. Des barges sont construites et sillonnent le Sinnamary ou son affluent la Courcibo. Toujours utilisés pour la navigation, les cours d’eau deviennent la voie royale pour l’approvisionnement des placers et des villages d’orpailleurs. Ravitaillement, personnes, machines, alimentation, grumes… Tout passe par l’eau et Sinnamary, tête de pont de cette activité économique, se développe rapidement.
Alors que l’activité aurifère bat son plein sur le territoire de la Guyane, Napoléon III décide d’en faire une terre d’expiation pour des milliers d’hommes et de femmes condamnés par la Justice pour des faits quelquefois mineurs. L’objectif avoué de l’empereur était d’utiliser cette main-d’œuvre servile, en remplacement des esclaves libérés depuis l’abolition, pour développer la colonie. Vœu pieux qui engendra des décennies de souffrance et qui a longtemps marqué la Guyane au fer rouge.
A partir de 1854, les bâtiments du bagne sortent de terre à Cayenne, sur les îles devenues du Salut et à Saint-Laurent-du-Maroni qui abrite le centre administratif de ce vaste système répressif. Sinnamary est longtemps oubliée des projets de l’administration pénitentiaire. Ce jusqu’en 1933, année où elle accueille 200 prisonniers indochinois. Trois ans auparavant, suite à la révolte de la garnison de Yên Bái, mutinerie organisée par le Parti nationaliste vietnamien, le 10 février 1930, 500 prisonniers indochinois débarquent en Guyane. Il est alors décidé la création de trois établissements pénitentiaires : l’un, au bord de la crique Anguille, sur la commune de Tonnegrande, dont les ruines sont toujours visibles, le deuxième sur le Maroni et portant le nom tristement célèbre de la Forestière, et le troisième à Saut-Tigre sur le Sinnamary et que l’on rejoignait après 6 heures de pirogue en partant du village. Les prisonniers, pour désenclaver le camp, construisent des pistes ; ils sont également employés au nettoyage des rues et à l’entretien de la voie de chemin de fer de Saint-Elie.
Le camp de Saut-Tigre fermera définitivement ses portes en juillet 1945 alors que la fermeture effective du bagne en Guyane n’aura lieu qu’une année plus tard, avec le rapatriement des derniers bagnards enregistrés en 1953. Jusqu’en 1994, on pouvait encore apercevoir les derniers vestiges de ce bagne de Saut-Tigre dit des Annamites, envahis par la végétation. La mise en eau du barrage de Petit-Saut, en engloutissant ces ruines, a définitivement mis un point final à ce chapitre de l’histoire de Sinnamary. Sous l’eau, le camp n’existe plus que dans les mémoires des anciens et les livres…
Europe de l’espace… et la crique Malmanoury
L’année 1962 offre la Guyane une entrée fracassante dans le XXe siècle et les nouvelles technologies. Kourou devient terre d’avenir et le Centre Spatial Guyanais est créé avec une emprise conséquente entre Kourou et Sinnamary. Cette décision marquera la commune puisque les 264 habitants de Malmanoury, petit village situé à une vingtaine de kilomètres du bourg de Sinnamary, et de Renner, hameau essentiellement tourné vers l’élevage, seront expropriés et devront quitter les lieux pour s’installer, pour la plupart, Cité du Stade à Kourou. Cette page restera douloureuse dans l’histoire collective du village. Seule concession accordée par le CNES, lors des travaux de contournement de la RN1 enclavant la base spatiale, au début des années 90, un accès a été maintenu pour permettre aux Sinnamariens de profiter de la crique Malmanoury qui traverse les savanes avant de se jeter dans la mer.
L’eau encore et toujours au coeur de l’histoire
L’eau encore au cœur de son histoire. Le plus grand lac artificiel de France se trouve sur le territoire de Sinnamary. Construit sur l’un des sauts les plus emblématiques du territoire, le barrage hydroélectrique de Petit-Saut, a eu un impact environnemental conséquent : 365 km² de forêt primaire ont été immergés, soit une zone de 16 km de long sur 19 km de large. A l’époque, le choix avait été fait de ne pas déforester la zone inondable conférant quelques années plus tard un aspect étrange et fantasmagorique au site : d’immenses arbres nus émergeant de l’eau tels des témoins d’une lointaine époque où la forêt dominait le lieu. Trente ans après les débuts des travaux et la mise en eau, la retenue est accessible à tous et certains opérateurs touristiques proposent des prestations sur et autour de la retenue.
La pêche en mer et sur le fleuve, la première économie à Sinnamary
L’histoire de Sinnamary ne pouvait se terminer sans évoquer la pêche. Le port de pêche de Sinnamary est le second de la Guyane après celui du Larivot.
Situé à amont du pont Madame de Maintenon, près du cimetière, le port de pêche de Sinnamary accueille une petite dizaine de bateaux. A environ 2 kilomètres de l’embouchure, les embarquements partant pour des campagnes de pêche de 5 à 7 jours.
A une centaine de mètres des pontons, une aire de carénage permet la réparation des bateaux.
A proximité immédiate des pontons, deux grands bâtiments sont présents. Le premier accueille un air de réception des poissons qui sont alors conditionnés et préparés pour la vente. Le second est destiné à la fabrication de la glace indispensable pour les pêcheurs.
La pêche à Sinnamary a toujours représenté une activité essentielle pour la commune. Les eaux poissonneuses et généreuses du fleuve et de la mer ont toujours assuré des moyens de survie pour les populations locales et les nombreuses variétés de poissons retrouvées sur les cartes des restaurants de la place ou sur les points de vente.