Sur la Route Bleue Mythique de la Grande Caraïbe By Odyssea
Canne, sucre et Rhum Patrimoine
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Canne, sucre & Rhum Patrimoine
L’imaginaire populaire qui associe la production de rhum aux colonies antillaises n’est pas dénué de fondement. De fait, le raffinage du sucre puis la commercialisation du rhum fut longtemps contrôlée par la France. Les espagnols puis les portugais initient l’image des îles à sucre. Les hollandais, maitres inégalés sur les mers, assurent le transport depuis toutes les rives des Caraïbes vers l’Europe. La consommation du rhum revient d’abord aux anglais qui lui donnent ses lettres de noblesse. En France on souhaitait avant tout privilégier les eaux de vie de fruits produites dans toutes les régions françaises et seule l’importation du tafia, alcool de canne de mauvaise qualité, était alors autorisée. Ce qui a fait les beaux jours de la contrebande des deux côtés de l’Atlantique tout au long du XVIIIe siècle. Le XXème siècle fait connaitre aux européens la boisson subtile et authentique que le rhum est désormais devenu. Une longue saga à l’échelle planétaire à vivre sur les Routes Bleues Mythiques de la Caraïbe.
De la Canne à sucre…
Le Rhum vous connaissez, vous en avez entendu parler. Mais savez vous qu’il est à lui seul, le reflet d’une histoire des cinq continents au fil de l’eau? Suivez nos Routes Bleues des Antilles et venez vivre sa véritable épopée. Un voyage étonnant.
Avant le rhum il y a la canne à sucre. Elle arrive aux Antilles dans les bagages des Conquistadors portugais et espagnols, Christophe Colomb en tête. Avant cela, elle a bourlingué à travers le monde au fil des migrations et des conquêtes. De Nouvelle Guinée où elle apparait dès la préhistoire, on la retrouve en Chine, puis en Inde où le nom de sucre lui est donné.
Les perses l’apportent au Moyen orient où les arabes vont la diffuser sur tout le pourtour méditerranéen qui jusqu’alors ne connaissait que le miel pour donner de la douceur à leurs recettes. Les pèlerins de Terre Sainte au retour de Croisades, la ramènent dans leurs bagages vers le vieux continent et les Vénitiens qui comprennent très tôt sa valeur marchande et l’engouement des populations à son égard, s’en octroient le monopole. Espagnols et portugais, après avoir tenté en vain de la produire dans leurs terres d’Andalousie, l’embarquent vers leurs nouvelles colonies: Madère, Sao Tomé, les canaries, les côtes du Brésil, puis Saint Domingue, la Colombie, les îles des Antilles vont peu à peu se couvrir de champs de canne à sucre.
Mais on est encore loin du Rhum pensez-vous. C’est parce qu’il n’existe pas encore. Le sucre tiré de la canne est amené vers les grandes métropoles européennes pour y être distillé: Liverpool, Nantes, le Havre, Bordeaux…
Ces nouveaux colons qui arrivent de France, d’Angleterre, d’Espagne, de Flandre, du Portugal, et surtout de Hollande que l’on appelle encore Provinces Unies, sont souvent des juifs ou protestants, commerçants et navigateurs hors pair. Repoussés par les portugais sur les côtes du Brésil, ils s’installent à la Barbade puis dans toutes les îles des petites Antilles, de Saint Christophe à la Martinique amenant avec eux leurs techniques et leur savoir-faire. Ils produisent un sirop de sucre qui se consomme sur place mais que l’on retrouve aussi bien souvent dans les cales des navires qui font route vers le vieux continent.
Les français en Martinique ne sont pas en reste. Le père Labat, un prêtre bourlingueur, tout à la fois missionnaire et ingénieur, fait venir de Charente les premiers alambics et perfectionne les processus de fabrication d’une première eau de vie de canne à sucre. Les distilleurs français qui voient d’un mauvais œil arriver cette concurrence à leur eau de vie de vin, demandent l’exclusivité de la distillation.
… Au Rhum Patrimoine
C’est aussi le début d’une longue période de guerre fratricide entre anglais, espagnols, hollandais et français qui se joue tant en Europe que dans la mer des Caraïbes, faisant passer les colonies dans l’escarcelle des belligérants au gré des batailles remportées. Car la culture de la canne à sucre et la fabrication de son eau de vie est une manne pour ceux qui en détiennent les droits. Elle donne naissance à des compagnies corsaires dont les agissements sont parfois aux limites de la piraterie, à de nombreux actes de contrebande et installe la flibusterie dans ces mers lointaines. Elle nourrit aussi un commerce peu avouable de traite des noirs, emportant des populations entières de Guinée et des côtes africaines vers les terres d’Amérique pour servir de main d’œuvre à peu de frais dans les plantations sucrières.
Les anglais, fins amateurs de rhum et déjà présents en Guyane, Antigua, Sainte Lucie, Saint Christophe, la Barbade et Névis prennent le contrôle de la Jamaïque qui devient le premier pôle de production de rhum anglais. Ils peuvent ainsi exporter leur rhum vers leurs colonies de Nouvelle Angleterre qui deviendra New York. Les planteurs antillais français, toujours soumis à la mauvaise réputation que fait la mère patrie à ses rhums, commencent à distiller, à faire vieillir en fûts de chêne, à embouteiller et à exporter ses propres rhums qu’on appellera rhums agricoles. Il faut savoir que jusqu’en début du XIX° siècle le rhum est la monnaie d’échange internationale.
A l’aube du XX° siècle quand éclate la grande guerre en Europe, la mécanisation s’est installée dans les Antilles en particulier en Martinique. Des distilleries centrales ont vu le jour, le chemin de fer qui est arrivé permet de réduire les coûts de transport et de production. Jusqu’à l’éruption de 1902, Saint Pierre est le centre névralgique d’exportation du rhum pour l’Europe et les états unis d’Amérique. Malgré les appels de l’Etat français qui demande à ses colonies de ne produire que du sucre, considéré comme une denrée essentielle en ces temps difficiles, la distillation de rhum et son commerce continue de prospérer. Il fait partie de la ration des poilus car le vin reste encore cher à cause de la crise du Phylloxera qui a sévi en métropole. Considéré comme un remède de fortune contre la grippe espagnole qui décime les populations en Europe et partout dans le monde, il est soumis à de fortes spéculations et représente à la fin de la guerre la quasi-totalité des exportations de Martinique.
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