La plantation Trois-Rivière, au coeur de la culture de sucrière martiniquaise

L’essor de la culture de la canne grandit durant tout le XVIIème siècle. Ce sont des juifs hollandais, chassés du Brésil, qui amènent avec eux les secrets de la fabrication du sucre à partir du jus de canne. La métropole découvre avec avidité le sucre qui se transforme en or pour les marchands et les planteurs qui viennent s’installer sous les tropiques. Mais la culture manque de bras et les « engagés » ne suffisent pas. On fait venir des esclaves d’Afrique. Ils sont 100 000 à débarquer en Martinique dans les conditions que l’on connaît. Leur travail, leurs souffrances, leurs morts vont enrichir les planteurs et faire de la Martinique une des plus profitables possessions françaises.  

En 1660, Nicolas Fouquet, un surintendant des finances du roi Louis XIV, s’adjuge 2000 hectares de terrain et fonde l’habitation sucrière des Trois-Rivières, l’une des plus anciennes de l’île. Il est arrêté en 1661 et banni du royaume pour avoir puiser dans les caisses royales, le domaine change ainsi plusieurs fois de propriétaire. Durant plus d’un siècle, on y développe l’activité sucrière, en fondant trois habitations dont les vestiges sont encore visibles aujourd’hui. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIème siècle que l’on commence à fabriquer du rhum, l’activité se développe pendant tout le XIXème siècle, avec la création d’une ligne de chemin de fer qui relie alors la plantation à la distillerie, qui fonctionne en autonomie grâce à l’énergie générée par le moulin à vent. On abandonne la production sucrière complètement en 1905 avec le rachat de la plantation par Amédée Aubéry, riche industriel de l’île, dont le fils développe la production du rhum agricole dans les années 40.

En 1953, le domaine est racheté par la famille Marraud des Grottes, qui développe la marque Duquesne jusque dans les années 70. C’est au cours des années 80 que l’étiquette prend le nom de Trois-Rivières et que l’on procède aux premières exportations internationales. En 1996, le rhum Trois-Rivières obtient le label AOC (Appellation d’Origine Contrôlée), deux ans après la reprise de la distillerie par la société B.B.S, toujours en charge aujourd’hui.  

En 2004, la production de Trois-Rivières est déplacée de Sainte Luce à Rivière Pilote. La colonne à distiller originelle est transférée sur le nouveau site, mais la plantation, les précieux champs de cannes surplombés par le moulin à vent sont restés sur leur lieu d’origine. Bien qu’elle ne soit plus en activité aujourd’hui, la plantation est un lieu témoin de l’histoire de la culture sucrière de la ville et de l’île, sa visite permet d’en apprendre plus sur l’histoire et les étapes de la fabrication du rhum. A la fin de la visite, une dégustation est au programme, afin d’apprécier ce rhum à l’étiquette turquoise si célèbre.

Une biodiversité remarquable, à terre et en mer

Îlet, anses, mangrove, plages et forêt, la commune de Sainte-Luce a de quoi séduire les amoureux de la nature. La forêt de 70 hectares de Montravail est située à 5km au nord du bourg de Saint-Luce, c’est la seule forêt humide du sud de l’île, elle comporte des espaces de pique-nique et de repos, ainsi qu’un réseau de randonnées de 11km au total, réparties en cinq sentiers : la grande boucle de 4km, la moyenne boucle de 3,5km, la petite boucle 1 et 2 de 1,4 kilomètres et 1k kilomètre, randonnées plus familiales d’environ une heure, et la route forestière de 1200 mètres. La balade permet d’observer des arbres martiniquais comme le bois-blanc et le bois-rivière, ainsi qu’un incroyable fromager, trônant sous ses 45 mètres de hauteur et sa circonférence de 5,50 mètres. 

Plusieurs plages bordent le littoral, peuplées de cocotiers, de raisiniers bord de mer et de mancenilliers, toutes reliées entre elles par le sentier littoral. Si les deux dernières espèces mentionnées sont bien originaires des Antilles, la première est en réalité importée par le Père Diego-Lorenzo de la Polynésie en 1660.  Suite à l’effondrement de l’industrie sucrière après la Seconde Guerre mondiale, l’île se tourne vers le tourisme de masse. Or dans l’imaginaire, la plage tropicale c’est du sable blanc et des cocotiers, qui ne sont pas endémiques. On arrache donc la végétation originelle, composée de mancenilliers et de raisiniers, moins photogénique, pour planter des cocotiers par centaines. A Sainte-Luce, sur la plage de Pont-Café, les mancenilliers cohabitent aujourd’hui avec les cocotiers, cependant attention à ne pas les toucher, ils sont très toxiques.  

En mer, le site de la Grande Caye, situé à l’est de la ville, est un récif corallien de 200 mètres, accessible à tous les niveaux. Il est l’un des plus préservé de la région, et contient des espèces très riches et variées. Les eaux calmes permettent à tous de s’aventurer à la découverte de ces coraux majestueux et des poissons tropicaux colorés qui peuplent les lieux depuis les plages.  

L’îlet du Céron, situé à 5 minutes du mouillage le plus proche par la mer, est composé de mangrove, elle occupe plus de 85% de la surface de cet îlet. Cette forêt vivant inondée est présente uniquement en milieu salin, elle a pour fonction d’éviter l’érosion des côtes et de protéger les herbiers et les formations coralliennes des dépôts sédimentaires ; elle protège ainsi les coraux de la Grande Caye.  Elle abrite peu d’espèces en raison du manque de dioxygène, et les arbres constituant cette forêt tampon sont très particuliers. Ils disposent de racines-échasses qui leur permettent de garder pied malgré le terrain instable composé principalement de vase. On dit que toute la végétation qui s’étend dans la mangrove est hygrophile, c’est-à-dire affectionnant les sols riches en eau, ainsi résistante à la submersion partielle. Par exemple, les Palétuviers blancs et gris disposent d’excroissances sur leurs racines, qui se dressent verticalement au-dessus des eaux, servant de système de tuba afin de respirer même lorsque la plante est submergée.

Des saveurs et des senteurs apportées par la mer

Sainte-Luce est, tout comme la Martinique, une terre qui a vécu de nombreux métissages historiques. Lors des phases coloniales, de l’importation d’esclaves venus d’Afrique, des migrations indiennes au XIXème, de nombreux imports maritimes ont contribué à constituer la culture culinaire martiniquaise telle qu’on la connaît aujourd’hui. Les africains ont par exemple amenés avec eux le gombo, le bœuf, des herbes aromatiques telles que le thym et le laurier, la cuisson à la braise et à la flamme. Au XIXème, le curry est importé depuis l’Inde, le riz depuis les Etats-Unis. Ces denrées et ces modes de cuisson importés par la mer ont permis de constituer la cuisine créole telle qu’on la connaît aujourd’hui. 

Tous les jours, de 7h à 13h, se tient le grand marché, sur le front de mer du bourg. Fruits, légumes, épices locales, ti-punch, sucreries, poissons et crustacés ce marché aux couleurs créoles saura ravir vos narines avec ses senteurs embaumantes. Les nombreux restaurants adjacents proposent des plats typiques, où l’on peut déguster de la langouste, l’un des crustacés les plus prisés et les plus pêchés dans le canal.